Qu’est-ce que des chatbots ? Étymologiquement, ce sont des “bots” (des programmes informatiques autonomes doués d’une forme d’intelligence, conçus pour rendre un service) qui peuvent simuler une conversation dans un langage naturel, en mode “chat” (prononcer « T’chat’ ») à l’écrit ou à l’oral. Apparus il y a bientôt 15 ans, ces outils ont d’abord été utilisés par les grandes entreprises du retail pour améliorer la satisfaction client, notamment sur les sites de e-commerce. Ils sont aussi de plus en plus présents sur les réseaux sociaux.

Au début, la sauce n’a pas pris…

Le concept technologique est aujourd’hui suffisamment mature pour intéresser d’autres métiers et fonctions de l’entreprise, à commencer par les directions des ressources humaines. Directeur associé d’Inbenta, société spécialisée dans la conception de bots, Luc Truntzler a été un témoin privilégié de cette évolution.

« En 2005, quand nous avons créé notre entreprise, nous avions lancé Clara, un bot que nous avions conçu comme un support aux RH. Or le flop a été retentissant, raconte-t-il. En cause ? Le décalage entre l’interface, pensée comme une forme d’avatar d’apparence très humaine et la qualité pour le moins perfectible des réponses fournies. Pour les utilisateurs, qui n’étaient pas familiers avec les notions d’algorithmes et d’avatars, l’effet s’est avéré très déceptif. Certains pensaient même qu’une vraie personne se cachait derrière et cherchait à les pousser à la faute… », Luc Truntzler

Mais aujourd’hui, Inbenta compte 200 collaborateurs et sa business unit spécialement dédiée aux ressources humaines a déployé avec succès des chatbots RH chez des grands comptes tels qu’Axa ou Groupama.

… mais l’intelligence artificielle est passée par là

Entre temps, la plupart des salariés des grandes entreprises ont eu l’occasion, ne serait-ce qu’en tant que consommateurs, de se familiariser avec ces interlocuteurs virtuels. Ils se montrent moins méfiants et plus indulgents. Et surtout, les chatbots ont accompli des progrès considérables, grâce aux avancées exponentielles de l’informatique en général et de l’intelligence artificielle en particulier.

« Il y a deux façons assez différentes d’utiliser l’IA pour détecter l’intention de l’utilisateur et lui fournir la réponse adéquate, précise Luc Truntzler. Dans l’approche dite “déterministe”, le moteur d’IA fonctionne avec un lexique, une sorte d’énorme dictionnaire qui joue aussi un rôle de table de correspondance et permet ainsi de définir le sens d’une question, et donc la réponse qui correspond. L’autre méthode, dite “probabiliste”, est apparue beaucoup plus récemment. Elle fait appel aux formes les plus poussées de l’IA, celles de l’apprentissage machine et du Deep Learning. En analysant de très importants volumes de données, le bot apprend et devient capable de comprendre les questions, puis de formuler les bonnes réponses. »

IA déterministe ou probabiliste ?

Depuis les premiers chatbots, la méthode déterministe a beaucoup progressé. Désormais puissante et fiable, elle est relativement simple à mettre en œuvre et peut être rapidement opérationnelle, ce qui lui vaut d’être utilisée par la grande majorité des chatbots aujourd’hui déployés dans les entreprises. La méthode probabiliste, apparue beaucoup plus récemment, demeure encore assez prospective.

« Clairement, c’est l’avenir, mais cette méthode est nettement plus ambitieuse, souligne Luc Truntzler. Comme les moteurs d’IA probabilistes interprètent les questions de façon autonome, une marge d’erreur peut subsister au niveau des réponses fournies. Pour que cette marge descende en deçà d’un seuil acceptable, il faut traiter un très grand volume de données, ce qui nécessite du temps et une énorme puissance de calcul. À ce jour, la plateforme Watson, développée par IBM, est quasiment la seule solution probabiliste à base de Deep Learning qui fonctionne réellement dans le domaine du chatbot RH.»

Luc Truntzler observe que le distinguo entre ces deux approches, pourtant essentiel en termes de montants investis et d’échelles de temps, est rarement bien appréhendé par les professionnels des ressources humaines.

Une meilleure “expérience” pour les collaborateurs…

La plupart des DRH ont bien compris, en revanche, que les chatbots peuvent les aider très concrètement à faciliter la vie des salariés de l’entreprise. Ils leur permettent non seulement d’obtenir des réponses à nombre de leurs questions quotidiennes, mais aussi, et de plus en plus, d’effectuer un certain nombre d’actions : connaître son solde de RTT, poser un congé, signaler un arrêt maladie, modifier son adresse…

« Tout comme les équipes du marketing ou les webmarchands vis-à-vis de leurs clients, les services RH voient dans ces nouveaux outils des façons d’améliorer “l’expérience utilisateur” des collaborateurs, à laquelle ils accordent de plus en plus d’importance », remarque Luc Truntzler.

Notons que les chatbots RH, à l’instar de leurs cousins des sites de e-commerce, fournissent des données éminemment intéressantes à exploiter dans une optique d’amélioration continue. L’analyse des questions les plus posées, notamment, permet d’identifier des informations manquantes ou insuffisamment mises en valeur, de déceler des optimisations à apporter aux processus…

… et un soulagement (voire plus) pour les services RH

Par ailleurs, parce qu’ils répondent à leur place à toute une variété de questions du quotidien (et sont capables, si besoin, d’interagir simultanément avec des milliers d’interlocuteurs), les chatbots RH libèrent les gestionnaires RH d’une charge de travail conséquente. Ils leur permettent ainsi de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Des chatbots peuvent même se mettre directement à leur service, jouant alors le rôle d’assistants virtuels auxquels il suffit de formuler un besoin en langage naturel pour accéder à un rapport, consulter l’évolution d’un indicateur, prendre connaissance d’un diagnostic…

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Des modes de recrutement plus attractifs et plus efficaces…

Les chatbots s’avèrent particulièrement intéressants, également, en matière de recrutement. Sur ce terrain, leur capacité à répondre aux candidats 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 n’est pas le moindre de leurs atouts. C’est ce qu’illustre, par exemple, l’utilisation que fait KLB Group, entreprise française spécialisée dans l’implémentation de projets, de la solution Riminder, développée par la startup parisienne du même nom. Pour une annonce donnée, elle classe les CV par ordre de pertinence. De même, quand un candidat dépose spontanément son CV, le chatbot effectue un matching avec les annonces présentes sur le site, puis lui propose celles qui lui correspondraient le mieux. Dès sa phase de test, l’entreprise a constaté une augmentation 20 % du nombre de CV déposés, les candidatures s’avérant toutes pertinentes et en lien avec les annonces.

… à condition de ne pas tout confier à la machine

Autre illustration parlante, toujours dans le domaine du recrutement, le Groupe L’Oréal, qui n’embauche “que” 5 000 personnes par an pour environ 2 millions de candidatures reçues, a entrepris de déployer sur ses sites web un chatbot recruteur pour améliorer l’expérience des candidats. Non seulement l’outil répond aux questions des candidats, mais il évalue les dossiers de candidature en fonction des exigences et des expériences. D’abord développés pour fonctionner en anglais, les chatbots recruteurs de L’Oréal apprennent aujourd’hui le français et les versions en allemand, espagnol et mandarin seront opérationnelles d’ici le début d’année prochaine.

« Comme souvent lorsque l’on parle de RH et de digital, il faut veiller à trouver un bon équilibre entre ce qui peut être confié à la machine et ce qui relève de l’humain, note toutefois Luc Truntzler. La machine sera très performante pour dégrossir une masse de CVs ou pour analyser un certain nombre de critères objectifs. Mais la sensibilité humaine reste indispensable pour détecter notamment les soft skills (charisme, créativité, qualités d’écoute, capacité à travailler en équipe…) qui peuvent être très importants aux yeux des employeurs. »

Chatbotmaster RH, un métier d’avenir

Le métier de botmaster (l’homme derrière le bot) pourrait bien être aux années 2020 ce que celui de webmaster fut aux années 2000, puis celui de community manager aux années 2010. En tout cas, et dans la mesure où tout indique que les chatbots vont devenir des outils incontournables pour les ressources humaines des grandes entreprises, il y a clairement un avenir pour les Chatbotmasters RH. Selon les cas, ils pourront intervenir comme des “product owners” (c’est-à-dire administrer les questions de fonctionnalités, de mise en œuvre et d’amélioration des performance des chatbots) et/ou comme des “content managers” chargés notamment de définir les besoins en nouveaux contenus. Mais ils joueront toujours un rôle primordial de coordination et d’interface entre gestionnaires RH, directions des systèmes d’information, équipes marketing et communication, juristes…

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