Après avoir profondément modifié les comportements dans la sphère privée, l’Internet des objets se déploie aujourd’hui dans l’industrie. Il constitue même l’un des principaux leviers de transformation de ce secteur. Pilotage plus précis, surveillance plus efficace des processus de fabrication, maintenance mieux programmée, aide à la gestion des stocks… les bénéfices sont multiples. Mais il reste à progresser sur les plans de la sécurisation et de l’impact humain. Etat des lieux.

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Les objets connectés sont plus nombreux que les êtres humains sur notre planète ! En effet, d’après la dernière étude publiée par Gartner sur le sujet(1), le nombre d’objets connectés augmenterait de plus de 30 % et dépasserait les 8,4 milliards sur la seule année 2017. Selon tous les analystes, cette progression s’annonce exponentielle. S’il est difficile de la chiffrer précisément, c’est parce que, comme souvent pour les disciplines récentes, il existe plusieurs définitions de l’Internet des objets et de ce que recouvre précisément cette notion. Toutes s’accordent néanmoins sur un point : l’objectif est à la fois de rendre les objets au sens large plus communicants et plus intelligents. Cette idée a rapidement attiré l’attention des décideurs industriels. Ceux-ci y ont vu de nombreux bénéfices potentiels : augmentation de la productivité, meilleure gestion des risques, accès à de nouveaux modèles économiques…

Une brique du concept d’usine du futur

Les experts ont donc inventé une variante plus spécifique à cet univers, appelée “Internet Industriel des Objets” (Industrial Internet of Things, ou IIoT,vs l’IoT pour la sphère grand public). Au même titre que le Big Data et l’intelligence artificielle et, à plus long terme la Blockchain, l’IIoT est considéré comme un des leviers essentiels de la quatrième révolution industrielle et du concept d’usine du futur.

Pour autant, il n’est pas réservé aux nouvelles usines ultra-robotisées des grands industriels allemands. Le cabinet PAC a publié en 2017 une étude selon laquelle 72 % des entreprises industrielles européennes comptent augmenter significativement leurs investissements dans l’IoT d’ici 2020. Pourquoi ? Essentiellement, dans un premier temps, pour faire parler des objets qui, jusqu’ici, étaient plus ou moins muets, de façon à améliorer les systèmes et processus existants.

« Le déploiement de ces capteurs à une échelle industrielle est rendu possible par la baisse des coûts, signale dans LesEchos.fr Xavier Lafontan, président d’Intesens, startup qui conçoit des capteurs sans fil pour l’industrie. Un capteur de vibration équipé d’un microcontrôleur, d’une puce et d’un logiciel embarqué revient aujourd’hui à moins d’un dollar. »

Concrètement…

En termes d’efficacité opérationnelle et de gestion des risques, l’IIoT consiste donc en une grande variété de capteurs connectés capables de surveiller des paramètres tels que la pression, les vibrations, la température, l’humidité, le positionnement et/ou la vitesse d’un objet, le remplissage d’un réservoir… Autant d’informations qu’il est désormais possible de collecter à distance et en temps réel, ce qui permet d’adapter l’outil de production aux différents besoins, mais aussi d’identifier d’éventuelles défaillances techniques sur la chaîne de production. Voire (encore mieux) de les anticiper.

Vers une maintenance de plus en plus proactive

C’est ainsi que l’IIoT a vocation à accompagner et à accélérer le développement des stratégies de maintenance prédictive. Le principe : les données collectées par les objets connectés sont archivées et analysées (grâce à des outils de Big Data) afin d’identifier des anomalies annonciatrices d’une panne. Non seulement cette approche peut éviter beaucoup de coûteuses interruptions de la chaîne de production, mais elle permet d’optimiser la gestion des actifs industriels. Plus prosaïquement, Xavier Lafontaine (Intesens), explique qu’« il n’est plus nécessaire d’effectuer des rondes physiques pour remplacer les ampoules grillées. Un boîtier placé sur le candélabre donne l’alerte dès que le taux de luminosité chute. Ce capteur est rentabilisé dans l’année, sachant qu’il fonctionnera durant 5 à 10 ans. » (voir aussi ce que développe la société française Novyspec dans le domaine spécifique de l’inspection industrielle).

Des capteurs un peu partout sur les rails et dans les gares

La SNCF, qui a lancé en 2016 un “plan d’Internet industriel” pour 500 millions d’euros d’investissement, est particulièrement en pointe dans le domaine de l’IIoT. L’opérateur ferroviaire français déploie actuellement un très grand nombre de capteurs de chaleur, de pression ou de vibration destinés à la surveillance de ses infrastructures. En signalant toute variation anormale, ils permettent notamment d’anticiper les ruptures de caténaires, causes de fréquentes interruptions de trafic. Mais ils servent aussi à sécuriser les aiguillages et les passages à niveaux, ou encore à inspecter l’état des voies ferrées. Et dans les gares, la SNCF s’appuie sur les objets connectés pour réduire les temps d’indisponibilité des ascenseurs, des escalators, des portes automatiques, de la climatisation ou de l’éclairage.

Beaucoup d’applications de l’IoT sont possibles dans le domaine de l’efficacité énergétique et de la performance environnementale des usines. Grâce, encore une fois, à de multiples capteurs (consommation d’électricité, de gaz ou d’eau, présence/taux d’occupation, luminosité…), les Smart Factories vont pouvoir agir en quasi-temps réel sur les gros postes consommateurs d’énergie ou d’eau. Ces systèmes intelligents pourront ainsi fournir juste ce qu’il faut, uniquement là où c’est nécessaire et seulement quand c’est utile.

Localiser à tout moment n’importe quel actif

En toute logique, dans les métiers de la logistique, l’IoT apparaît comme une façon efficace d’améliorer de la sécurité des entrepôts, notamment grâce à détecteurs de présence connectés. Mais bien au-delà de cet enjeu de sécurisation (et bien au-delà, aussi, du périmètre de l’entrepôt), les responsables logistiques entrevoient la possibilité de localiser à tout moment n’importe quel actif, y compris, par exemple, un camion. En matière d’optimisation des flux, de traçabilité et de performances générales de la Supply Chain, l’IoT se combine avec d’autres technologies, comme le wifi ou – surtout – la RFID(2), dont les experts constatent qu’elle comble certaines lacunes techniques.

Pour illustrer la variété d’usages que représentent les objets connectés dans l’industrie, on peut enfin évoquer les nouvelles générations de chaussures de sécurité connectées. Sur ce créneau, ce sont des PME françaises qui montrent la voie. Parade et la startup Izome, toutes deux filiales d’Eram, ont mis au point une chaussure capable de déceler l’immobilité ou les chutes. Celle proposée par la jeune société aixoise Intellinium permet aussi à l’opérateur d’envoyer et de recevoir des alertes et ce, même lorsque ses mains sont occupées (en utilisant un point de pression sous l’orteil…).

De nouveaux business modèles

On comprend que les objets connectés permettent d’introduire différentes améliorations de natures très diverses dans les processus de production des industriels. Dans certains cas, ils peuvent aussi amener les entreprises à adopter de nouveaux modèles économiques.

« Nous avons ajouté des éléments sur les imprimantes industrielles de Markem-Imaje, indique par exemple Adrien Desportes, directeur général de la société lyonnaise Rtone, à Bref Eco. Cette entreprise basée dans la Drôme dispose d’une centaine d’ingénieurs SAV qui doivent parcourir le monde pour dépanner les clients. Grâce aux capteurs, ces opérations peuvent désormais se faire à distance. On évite un déplacement et – surtout – le blocage d’une production. L’IoT crée ici une vraie valeur ajoutée mais surtout, le modèle économique s’en trouve changé. L’entreprise ne vend plus une imprimante mais des impressions, c’est-à-dire qu’elle propose un service au lieu d’un produit. »

Sécuriser les données et accompagner le changement

Tous les experts en conviennent : le principal point de fragilité de l’IIoT reste la sécurisation des objets connectés. Il est impératif de pouvoir les préserver des prises de contrôle à distance et autres vols d’informations, qui ne sont pas rares. Le challenge est de taille, sachant que le très important volume de données généré par ces appareils amène les entreprises à les héberger dans des clouds externes qui peuvent être mutualisés.

En outre, comme la transformation digitale dans son ensemble, le déploiement massif des objets connectés au sein des entreprises aura inévitablement de forts impacts humains et organisationnels.

« Tous les acteurs de l’entreprise n’ont pas besoin d’être des experts en matière de fiabilité, de maintenance ou de gestion des actifs, écrit Sarah Didley sur le blog Internet of Things d’IBM. Mais tous doivent comprendre les principes d’amélioration continue sur lesquels repose l’IIoT, ainsi que les avantages qu’elle représente pour l’entreprise dans son ensemble. »

Pédagogie, formation, conduite du changement, co-construction de nouveaux processus : pour les directions des ressources humaines, comme pour les DSI, l’Internet des objets devient un vrai sujet.

(1) Étude publiée en février 2017. (2) Radio Frequency Identification.

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