L’industrie redevient une filière porteuse en termes d’emploi. Mais après avoir longtemps souffert d’une image négative, de nombreuses compétences lui font défaut. Pour redorer l’image du secteur, les industriels montent au créneau pour attirer les jeunes générations. Retours d’expérience de Scania, Manitou, Pfeiffer Vacuum et de Gestamp publiés en 2019 dans le n°7 du magazine Inhouse.

Si la filière industrielle redevient porteuse d’emplois, on reste néanmoins loin d’un véritable mouvement de réindustrialisation. L’amélioration observée ces dernières années s’explique principalement par la baisse des fermetures d’usines (1). Quoi qu’il en soit, l’image de l’industrie reprend du galon, notamment en dehors de l’Hexagone où les investisseurs étrangers n’ont jamais eu une image aussi positive de la France.

Les stéréotypes perdurent

Délocalisations, fermetures d’usines, grèves… l’industrie fait souvent la une de la presse lors d’épisodes difficiles. Il est vrai que si sa place dans l’économie constitue son premier atout, elle rend aussi ses difficultés plus visibles, représentant ainsi un élément majeur de l’opinion négative des lycéens vis-à-vis du secteur (2). « Pendant de nombreuses années en France, l’image de l’industrie a été malmenée. Les médias n’ont parlé que des fermetures d’usines », confirme Sébastien Gerland, responsable RRH du site de Haute-Savoie de Pfeiffer Vacuum.

Les médias seraient-ils les principaux responsables ? Non, selon Michel Rodrigues, DRH de la Division MHA du Groupe Manitou. « Depuis une petite vingtaine d’années, les pouvoirs publics favorisent les cursus longs, appauvrissant ainsi des filières courtes et techniques, comme les CAP, les BEP… très intéressantes pour des industriels comme nous. Aujourd’hui, les CAP soudure n’existent plus en France. On a tué ces filières. »

Même son de cloche chez Gestamp : « On ne peut pas attribuer aux seuls médias le manque d’intérêt des jeunes à l’égard de l’industrie. Une des grosses problématiques, c’est l’orientation dès le plus jeune âge », affirme Florence d’Adderio, responsable RH du site Gestamp de Theil-sur-Huisne (équipementier automobile, leader mondial du formage à chaud et de l’emboutissage).

Conscient de l’importance de ce point, Scania a pris les devants en 2017 pour rapprocher les jeunes de son entreprise. « En juillet 2018, nous avons organisé un forum sur notre site en conviant les écoles de maintenance du bassin et les professeurs pour savoir comment attirer les jeunes. Pour changer l’image de l’industrie, nous nous sommes dit qu’il était préférable de d’abord taper à la porte du collège plutôt qu’à celle des Post Bac », indique Karine Desgages, DRH de Scania.

… et l’industrie peine à recruter

L’industrie commence à retenir l’attention des jeunes, mais n’en séduit pas suffisamment, notamment parmi les jeunes femmes, indique la 6e vague de l’enquête Opinionway “Les lycéens et l’industrie”. En 2018, la perception du secteur par les lycéens en série S ou technologique reste très positive (75 %). Toutefois, elle peine à progresser depuis 2015. Ceux qui en ont une bonne opinion mettent en avant l’importance de l’industrie dans l’économie (43 %) et son caractère stratégique pour la France fait quasiment toujours l’unanimité. Autre enseignement : l’avenir de l’industrie continue de susciter une confiance croissante pour 65 % des lycéens et cet indicateur augmente de 10 points par rapport au niveau déjà record de 2017.

Qu’en est-il de la perception des jeunes femmes ? « En France, on est encore dans un schéma qui est : donne-moi ton genre et je te dirai quel métier tu exerceras. Les choses commencent légèrement à bouger et, dans certaines filières (scientifique, physique, chimie, matériaux), on retrouve des jeunes femmes ingénieures. En mécanique pure, c’est plus rare », indique Sébastien Gerland de Pfeiffer Vacuum. Chez Gestamp, les métiers liés à l’emboutissage attirent peu de femmes. « Sur la partie production, nous avons de nombreuses opératrices. Mais, sur les postes de conducteur de ligne, nous n’en avons que quatre et, en encadrement, aucune », témoigne Florence d’Adderio.

Doucement certes, mais les chiffres progressent. Scania le constate. La part des femmes dans ses effectifs avoisine aujourd’hui 14 %, contre 9 % en 2012. « Sur les lignes de production, la féminisation des effectifs se voit nettement. S’agissant de la population intérimaire, grâce à la politique très active de Randstad Inhouse sur le sujet, les chiffres oscillent entre 15 et 18 % selon les périodes », précise Karine Desgages, DRH.

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Des formations sur-mesure pour capter les jeunes

Face à la difficulté de trouver les compétences recherchées, les industriels et les spécialistes du recrutement mettent en place des formations pour attitrer les jeunes. Ainsi, dans la région d’Angers, Randstad Inhouse, Manitou, l’Institut de Soudure et Pôle Emploi ont monté une formation de soudeur. Cette réponse sur-mesure a également été imaginée pour accompagner la hausse d’activité de Manitou. « Entre 2016 et 2017, notre production a connu 20 % de croissance au niveau mondial. En 2017, versus 2018, à nouveau 20 % et les perspectives entre 2018 et 2019 sont de l’ordre de plus de 10 % », commente Michel Rodrigues.

Comme d’autres industriels, Pfeiffer Vacuum élargit ses horizons pour recruter. « Il faut ouvrir les portes du monde de la mécanique et le désacraliser en recrutant des candidats issus de l’agroalimentaire, du textile qui connaissent l’industrie, l’usine, les horaires en équipe. Depuis 2017, à l’usinage et au montage avec Randstad Inhouse, nous avons formé quatre groupes de six personnes pendant quatre mois », explique Sébastien Gerland.

Communiquer pour se faire une idée plus juste de l’industrie

Pour tordre le cou aux préjugés et corriger le regard souvent inexact des jeunes, de plus en plus d’industriels n’hésitent pas à ouvrir leurs portes, multiplier les partenariats avec les organismes de formation, développer les actions de communication… « Parce que l’industrie reste un secteur méconnu, nous travaillons sur son image, la découverte des professions et les perspectives d’évolution de carrière », souligne Florence d’Adderio de Gestamp. Une logique que de nombreux industriels partagent : « Lorsque des jeunes mettent un pied dans l’entreprise, l’industrie dont ils n’avaient pas une image très positive finit par les intéresser », témoigne Karine Desgages, DRH de Scania.

« Il existe davantage de proximité entre les entreprises industrielles et les universités. La vingtaine de nos ingénieurs, qui enseigne en IUT de Génie mécanique et productique, parle autrement de l’industrie aux étudiants. Lorsque les jeunes visitent notre usine, ils se font une idée plus juste de l’industrie. Robots, salles blanches… cet environnement technologique contribue à donner envie », insiste Sébastien Gerland de Pfeiffer Vacuum. Il est vrai que dans l’industrie 4.0 de demain, il ne s’agira pas seulement d’être bon en mécanique, mais aussi en informatique embarquée, en data science… Les compétences convergeront de plus en plus.

Grâce aux évolutions technologiques, l’automatisation des tâches a aussi modifié la donne. « Soudeur n’est plus un métier physique, mais technique. Grâce aux assistances, aux manipulateurs qui soulèvent les pièces lourdes… les petits gabarits ou les femmes s’aperçoivent que ce métier leur est accessible. Pour preuve : nous avons plus de 15 % de femmes soudeuses, contre 0 % il y a dix ans », souligne Michel Rodrigues

Encore faut-il le faire savoir. C’est pourquoi, Scania communique activement, depuis 2014, sur ses métiers. « Nous participons avec Randstad Inhouse à des forums sur l’emploi. Chaque année, nous accueillons ensemble les visiteurs sur notre stand et nous les informons sur nos métiers. Beaucoup de jeunes cherchent des entreprises pour de l’alternance ou un emploi. Dans ces moments, nous sommes visibles. »

Les industriels en sont conscients : c’est notamment en cassant les codes de leur politique de recrutement qu’ils séduiront les jeunes générations. Beaucoup y travaillent et développent leur marque employeur. Une des clés d’entrée pour redonner à l’industrie une image plus positive, mais surtout plus juste.

(1) Chiffres sur la création d’emplois en 2017, Insee, mars 2018.

(2) 6e vague, enquête Opinionway « Les lycéens et l’industrie », mars 2018, réalisée auprès d’un panel de 500 lycéens des filières scientifiques et technologiques.

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