« REX » ou « RETEX » pour les intimes, le retour d’expérience est un outil managérial précieux. Après une crise comme celle du Covid-19, il est essentiel pour les entreprises et les équipes d’analyser ce qui a émergé durant cette période particulière : difficultés, forces, nouveautés… L’objectif ? Tirer les leçons qui s’imposent pour mieux aller de l’avant. Avec l’aide de l’experte Maureen Halbeher, nous vous livrons toutes les clefs pour dresser le bilan intelligemment.

L’importance du retour d’expérience après une crise

Réunion ou REX ?

Le retour d’expérience se distingue de la simple réunion d’équipe ou du débriefing. Il s’inscrit en effet dans une véritable démarche scientifique : la méthode expérimentale. Il est étroitement lié à la notion d’apprentissage et permet de lier la théorie à la pratique. Utilisée dans l’armée française, la méthode REX est aussi une alliée majeure du monde de l’entreprise, puisqu’elle permet aux managers et à leurs équipes d’accroître leurs connaissances et leur résilience.

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« Quand je fais des retours d’expérience, ils sont accompagnés d’un certain nombre d’items ; c’est donc plus cadré qu’un débrief classique »



précise Maureen Halbeher, responsable du Pôle Innovations au sein du Groupe Randstad France.

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En outre, la réunion d’équipe classique ou le débrief jouent davantage un rôle de « contrôle » par le manager, et se manifestent souvent par un passage en revue factuel des événements. Le REX, en revanche, présente à la fois un aspect humain et un objectif d’amélioration concret plus prononcé. Il s’agit véritablement de construire, de manière participative, un savoir d’expérience qui va ensuite nourrir le savoir protocolaire.

Quand faire un retour d’expérience ?

Après un événement particulier, qu’il s’agisse d’une réussite, d’un échec ou d’un changement d’ampleur. Et bien entendu, le REX s’impose après une crise comme celle du Covid-19, qui a profondément impacté la société non seulement sur le plan sanitaire mais aussi économique et social. Le REX permet dans ce cas de régler les éventuels problèmes et de renforcer l’entité concernée, en participant à son rebond et à l’élaboration d’une forme de sagesse commune.

Il est donc crucial de prendre un moment de recul avec vos collaborateurs pour revenir sur ce qui s’est passé durant ces derniers mois : ce dont vous avez souffert, ce dont vous pouvez être fiers, ce que vous avez appris, ce que vous voulez changer ou conserver à l’avenir… L’exercice, pas forcément évident, sera ô combien bénéfique pour la santé de vos équipes et celle de votre activité.

« On vit des conditions extrêmes, il y a beaucoup d’incertitudes. C’est important de prendre le temps de poser ce moment, de le verbaliser, surtout que cela a été difficile psychologiquement pour plusieurs collaborateurs », souligne Maureen Halbeher. « En innovation particulièrement, on trouve beaucoup de choses par sérendipité, par hasard, et c’est souvent dans l’urgence et dans les extrêmes que l’on trouve les meilleures solutions », ajoute-t-elle. « L’exemple concret dans la crise actuelle est l’avènement global du télétravail. »

REX
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L’organisation de la réunion

Quel que soit le nombre de participants, voici quelques « balises techniques » à suivre afin que votre retour d’expérience se déroule au mieux. Les maîtres-mots ? Efficacité et fluidité.

En présentiel (et en général) :

 

  • Avant la réunion :

    Rédigez un ordre du jour clair, en proposant aux participants de l’alimenter. Envoyez une invitation qui exprime clairement les modalités de la réunion (Qui ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?) ainsi que les avantages d’y participer. Enfin, préparez des supports visuels clairs, concis et aussi simples que possible. En la matière, les possibilités sont quasiment illimitées, du classique PowerPoint au plateau de jeu afin de « gamifier » le REX.
  • Pendant la réunion :

    1. Prévoyez un jeu brise-glace afin de détendre les participants.

    2. Consacrez quelques minutes (deux suffisent) à définir le cadre et fixer les objectifs de la réunion.

    3. Après chaque prise de parole ou discussion, clôturez avec une petite synthèse.

    4. Etablissez un plan d’action, en indiquant clairement toutes les étapes de suivi.
  • Après la réunion :

    Réalisez une synthèse de tout ce qui a été dit et décidé, puis énoncez les actions à effectuer ainsi que leurs acteurs. Assurez-vous que tout est clair pour chacun des participants, et offrez-leur un temps de feedback sur l’expérience de la réunion.

 

A distance :

Le déroulé du REX est sensiblement le même si vous l’organisez en visioconférence. Gérer une réunion virtuelle présente toutefois quelques spécificités humaines et techniques :

  • Pour contrer le sentiment de solitude et de « tâtonnement », encouragez tous les participants à allumer leur caméra afin de briser la barrière de la distance.
  • Utilisez les outils de facilitation en ligne appropriés à votre objectif en piochant parmi la liste suivante : Google Drive, Trello, Team Retro, Mur Communauté, Klaxoon, Jeu Inno. Chacun de ces outils permet de faciliter une ou plusieurs missions d’une grande variété : partage d’informations, stockage de documents, aide au brainstorming, collecte des points de vue, renforcement de l’engagement des participants, prise de décision… Informez-vous sur ces différents outils avant de choisir le plus adapté au ton que vous souhaitez donner à votre REX. Et surtout, n’hésitez pas à les combiner ! Vous pouvez également utiliser des templates comme support de communication et de participation.
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L’ordre du jour

Le contenu personnalisé et les différentes problématiques qui émergeront de votre REX sont propres à chaque entreprise/équipe.

Mais pour structurer l’ordre du jour de votre retour d’expérience post-crise, voici un exemple de trame simple et efficace :

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1 – Jeu brise-glace (“Ice-breaker”) :

Exemple 1 : « Pouvez-vous raconter une chose positive qui vous est arrivée pendant le confinement ? »

Exemple 2 : « Quelle est votre météo du jour ? » Répondre par un emoji.

Exemple 3 : « Partagez une photo de votre environnement » (objets, paysage, poste de travail…)

2 – Discussions :

Option 1 : Commencer par demander à chacun les principales difficultés rencontrées au cours de la période écoulée (défis personnels, craintes/déceptions par rapport à l’équipe ou à l’entreprise…). Puis les forces et les aspects positifs qui ont pu émerger (exemples : découvrir sa résilience personnelle, renforcer les liens humains avec les autres membres de l’équipe, le télétravail, etc.). Et enfin les souhaits de chacun pour l’avenir ainsi que les actions que l’on s’engage à poursuivre ou mettre en place.

Option 2 : Proposer à chaque participant de partager 3 tops et 3 flops de la période écoulée, sur l’équipe ou sur l’entreprise. N’hésitez pas à créer un template ou document que chaque participant peut remplir au préalable. Vous pourrez ainsi discuter collectivement au moment du REX.

3 – Synthèse de l’animateur.

4 – Période de questions et/ou impressions libres avec un temps de parole donné à chacun.

5 – Fin d’atelier avec liste d’actions concrètes.

Le fait de donner un aspect ludique au processus permet de libérer la parole et souder les équipes, explique Maureen Halbeher, « d’autant plus bénéfique après une période qui a pu être anxiogène pour de nombreuses personnes ».

Les astuces pour un bon déroulement

Choisir son camp

Premier conseil de Maureen Halbeher : éviter à tout prix les réunions hybrides !

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« Avec le déconfinement, on s’est rendu compte d’une chose : les conférences à distance ont très bien fonctionné, mais seulement si tout le monde est à distance. S’il y a un mélange de personnes en présentiel et d’autres en virtuel, cela ne fonctionne pas ; ceux qui sont physiquement dans le même espace ont tendance à oublier les autres ».

Le 100 % distanciel présente même un autre avantage : « Le brainstorming en virtuel avec le système de post-it est beaucoup plus riche car les gens osent davantage s’exprimer, surtout les introvertis ». Pour cela, optez pour un outil en ligne tels que Miro ou Scrumblr, grâce auquel chacun peut donner ses idées par écran partagé, en les écrivant avant ou pendant la réunion.

Etablir un lien de confiance

Un REX post-crise fera très probablement surgir des questions délicates, voire des émotions à fleur de peau. N’en ayez pas peur : « Il faut prendre en compte l’aspect psychologique plutôt que de faire semblant de ne pas savoir que les collaborateurs ne vont pas bien. On peut trouver des choses très positives qui se sont passées dans un moment très douloureux », rappelle Maureen Halbeher. Elle conseille aux participants de ne pas hésiter à évoquer leurs difficultés. « Il n’y a pas de honte ! Il ne faut pas culpabiliser de mal vivre une période exceptionnelle, qui a été difficile pour beaucoup avec des contextes personnels parfois très contraignants. C’est normal qu’il y ait des fragilités, il faut en parler. »

Soutien psychologique

Les managers n’étant toutefois en aucun cas des psychologues, elle leur conseille de diriger les participants qui en éprouveraient le besoin, après le REX, vers une cellule de crise propre à l’entreprise ou nationale. Exemple : le numéro vert du service de soutien psychologique spéciale Covid-19 de la Croix-Rouge joignable gratuitement 7j/7 de 8h à 20h au 0800 858 858.

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Anticiper les problèmes « techniques » en amont

En présentiel ou à distance, travailler en binôme peut se révéler utile. L’idée ? Un « facilitateur », qui anime la réunion et s’assure de son bon déroulement (n’oubliez pas de donner la parole à ceux qui sont restés silencieux), et un « technicien », qui gère les temps de parole, aide les gens à se connecter ou se reconnecter, vérifie la présence de chacun…

La pérennisation des leçons

Pour s’assurer de l’utilité du retour d’expérience, il faut que les leçons tirées de la crise soient durables, que les changements positifs s’ancrent dans le temps et que les problèmes soient réglés par des actions concrètes.

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« Sans minimiser l’impact négatif de cette situation, on peut reconnaître que cet épisode est aussi l’occasion de progresser, de se reconstruire dans l’urgence. Les crises sont des terreaux fertiles pour l’innovation », observe Maureen Halbeher.

« Mais si l’on ouvre la boîte de Pandore, il faut assurer derrière par des faits concrets, et ne pas se contenter de bonnes intentions. » Comment ? En s’engageant à mettre en place les changements préconisés, quitte à nommer un chef de projet pour en assurer le suivi et à créer des groupes de travail avec les RH ; puis en communiquant sur chacune des actions après leur mise en place.

Créer ou augmenter le nombre de journées de télétravail, mettre en place des rituels managériaux conviviaux (apéros virtuels par exemple), augmenter la digitalisation… Autant de changements insufflés par la crise qui « revisitent le management et l’organisation, et peuvent présager d’un changement profond dans le monde du travail », à condition de ne pas laisser retomber ce bel élan comme un soufflé, analyse l’experte en innovations.

Pour pérenniser les enseignements de la crise à travers un REX, conclut-elle, il faut aussi et surtout que le manager fasse preuve de sincérité : « Si l’on joue la carte de l’intelligence collective, il ne faut surtout pas simuler et faire semblant de demander l’avis des collaborateurs pour au final faire seulement ce que le manager voulait. Sinon, c’est de la manipulation et cela ne marchera qu’une fois. C’est en montrant le changement par des actes concrets que l’on va renforcer les liens au sein des équipes et augmenter l’efficacité des REX dans le temps. »

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