Ce nouveau numéro décrypte les grandes réformes du droit social, en commençant par la révision des modèles d’attestation médicale et la formation à la conduite d’équipements. Les mesures en faveur des salariés expérimentés sont détaillées (négociation obligatoire, création du contrat de valorisation de l'expérience, aménagement des fins de carrière), suivies par la refonte des entretiens professionnels (nouvelle périodicité, renforcement des entretiens de mi et fin de carrière). Nous couvrons également la suppression de la limite de mandats au CSE et la création de la période de reconversion professionnelle. Enfin, nous abordons l'évolution de l'assurance chômage (affiliation et bonus-malus), l'actualité législative (Projets de loi de finances 2026), le lancement du Passeport prévention, les précisions sur l'APLD-R, ainsi que le report des congés payés en cas d’arrêt maladie.

lois, règlements et accords adoptés

modèles d’attestation d’absence de contre-indications médicales à la conduite et à la réalisation de certaines opérations, prévues aux articles R. 4323-56 et R. 4544-9 du code du travail (Arrêté du 26 septembre 2025)

Cet arrêté fixe les modèles d’attestation prévus par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 relatif au suivi individuel de l’état de santé des travailleurs ainsi qu’à l’autorisation de conduite et aux habilitations électriques à effectuer certaines opérations prévues aux articles R. 4323-56 et R. 4544-9 du code du travail. Ce dernier a subordonné l’autorisation de conduite de certains équipements et l’habilitation électrique à la réalisation de travaux sous tension ou d’opérations au voisinage de pièces nues sous tension à la délivrance d’une attestation d’une durée de validité de 5 ans justifiant l’absence de contre-indication médicale. 

A l’issue des examens médicaux réalisés par un médecin du travail, une attestation conforme aux modèles figurant aux l’annexe 1 ou 2 est remise au travailleur. Il est entré en vigueur le 1er octobre 2025.

formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes (Arrêté du 26 septembre 2025)

Le décret du 18 avril 2025 relatif au suivi de l’état de santé des travailleurs ainsi qu’à l’autorisation de conduite et aux habilitations électriques à effectuer certaines opérations prévues aux articles R. 4323-56 et R. 4544-9 du code du travail a écarté de la liste des salariés bénéficiant d’un SIR les travailleurs qui peuvent être affectés à un poste pouvant nécessiter une autorisation de conduite en application de l’article R. 4323-56 CT. En lieu et place du SIR, il subordonne l’autorisation de conduite de certains équipements prévue par l’arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes à la délivrance d’une attestation d’une durée de validité de 5 ans justifiant l’absence de contre-indications médicales, nécessitant de modifier les pièces à partir desquelles s’établit la délivrance de l’autorisation. Par conséquent, l’arrêté du 2 décembre 1998 précité est abrogé. 

L’arrêté est entré en vigueur le 1er octobre 2025.

transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social (Loi n° 2025-989 du 24 octobre 2025)

Cette loi transpose dans le code du travail 4 ANI : 

  • ANI du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés 

  • ANI du 14 novembre 2024 relatif à l'évolution du dialogue social 

  • Avenant du 14 novembre 2024 au Protocole d’accord du 10 novembre 2023 relatif à l’assurance chômage 

  • ANI du 25 juin 2025 en faveur des transitions et reconversions professionnelles 

Les principaux apports de ces textes sont les suivants : 

1. salariés expérimentés 

- création d’un nouveau thème de négociation, tous les 4 ans à défaut d’accord, au niveau des branches et des entreprises de 300 salariés et plus. Un décret doit être adopté sur ce sujet ; 

- création à titre expérimental, pour une durée de 5 ans, du contrat de valorisation de l’expérience visant l'embauche en CDI de demandeurs d'emploi d'au moins 60 ans (57 ans si accord de branche) avec régime de rupture du contrat et d’indemnité aménagés (exonération de la contribution patronale spécifique de 30 % sur l’indemnité de mise à la retraite) ; 

- aménagement des fins de carrière : encadrement du refus de l’employeur en cas de demande de retraite progressive, financement de la perte de salaire liée au temps partiel « de fin de carrière » par l’indemnité de départ à la retraite par voie d’accord d’entreprise, application des dispositions relatives à la mise à la retraite aux salariés ayant atteint l’âge de la retraite à taux plein au moment de l’embauche. 

2. refonte des entretiens professionnels 

- bénéfice pour les salariés d’un « entretien de parcours professionnel » au cours de la première année suivant leur embauche, puis tous les 4 ans (contre tous les 2 ans actuellement) ; 

- entretien de bilan tous les 8 ans (contre 6 ans actuellement) ; 

- renforcement des entretiens de mi carrière et de fin de carrière : durant l’année des 45 ans, un entretien devra être organisé dans les 2 mois suivant la visite médicale de mi carrière afin de tenir compte des aménagements de poste éventuellement proposés par le médecin du travail. Pour l’entretien de fin de carrière, qui doit intervenir 2 ans avant le 60ème anniversaire, les conditions de maintien dans l’emploi et les possibilités d’aménagements de fin de carrière devront être abordées.

3. suppression de la limite de 3 mandats successifs au CSE 

4. transition et reconversion professionnelles 

- création de la « période de reconversion professionnelle », en remplacement de la période de Pro-A et du dispositif « Transitions collectives », permettant aux salariés de suivre une formation certifiante (de 150h à 450h sur 12 mois ou 2 100h sur 36 mois en cas d’accord) en vue d’une mobilité professionnelle interne ou externe. Le salarié pourra co-financer sa formation avec son CPF ; 

- sécurisation du retour du salarié dans l’entreprise à l’issue d’un projet de transition professionnelle. 

5. chômage 

- réduction de 6 à 5 mois de la durée minimale d’affiliation requise pour les primo-demandeurs d’emploi : il sera possible désormais de moduler les conditions d’affiliation pour les demandeurs d’emploi n’ayant jamais été indemnisés ; 

- bonus-malus : les licenciements pour inaptitude d’origine non professionnelle et pour faute grave ou faute lourde ne seront plus pris en compte dans le calcul du taux de séparation. Un arrêté d’agrément doit être publié afin que ces dispositions s’appliquent au cycle de modulation qui s’ouvrira à compter du 1er mars 2026.

en projet 

  • Projet de loi de finances pour 2026  

  • Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2026

  • Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales

actualité sociale

passeport prévention 

Le site d’information précise qu’à compter du 16 mars 2026 les employeurs indiqueront, dans le passeport de prévention, les formations en santé et sécurité au travail dispensées en interne à leurs salariés. Ils pourront aussi vérifier les formations déclarées par les organismes de formation pour leur compte. Pour faciliter les déclarations des organismes de formation et des employeurs, la Caisse des dépôts annonce qu’à partir du 9 juillet 2026 il sera possible de déclarer en masse. 

APLD-R

Questions-réponses du ministère du Travail à destination des entreprises (MAJ le 13 octobre 2025) : la mise à jour précise que les accords collectifs et les documents unilatéraux pris en application d’un accord de branche étendu doivent être transmis à l’autorité administrative au plus tard le 28 février 2026 pour validation ou homologation. 

Elle précise également qu’un salarié ne peut pas se reconvertir dans le cadre d’un projet de transition professionnelle pendant les heures chômées au titre de l’APLD-R.

congés payés et arrêts maladie

Questions-réponses du ministère du Travail sur les congés payés (MAJ le 17 septembre 2025) : le Q/R précise, suite à l’arrêt de la Cour de cassation du 10 septembre 2025, que les salariés placés en arrêt maladie notifié à l’employeur durant une période de congés payés doivent bénéficier du report « des jours de congé payé coïncidant avec la période d'arrêt de travail pour maladie » (Cass. Soc., 10 septembre 2025). 

Il y est également indiqué que le report de 15 mois s’applique dans les mêmes conditions que lorsque le salarié n’a pas pu prendre ses congés pendant la période de prise pour cause de maladie ou AT/MP.

jurisprudence

pour conclure un CDD d’usage, il faut appartenir à l’un des secteurs d’activité visés par le code du Travail (Cass. soc. 10 septembre 2025, n° 23-23.716).

Contexte : un salarié engagé aux termes de 107 CDD d’usage par l’association Greenpeace France a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des CDD en CDI, au motif que l’association n’était pas habilitée à conclure des CDD d’usage. 

En appel, les juges du fond ont débouté le salarié de ses demandes au motif que : 

- l’association relevait de la CCN de l'animation socioculturelle du fait de ses activités d'intérêt général de protection de la nature et de l'environnement, qui impliquaient des débats, formations et actions d’information ;  

- le ministère du Travail autorisait les associations de secteur de l’animation socioculturelle à conclure des CDD d’usage pour l'exécution d'une tâche déterminée temporaire ;  

- et qu'en conséquence, Greenpeace France démontrait appartenir à un secteur d'activité défini par décret, autorisé à conclure des contrats à durée déterminée d'usage.  

Décision : pour la Cour de cassation, la cour d’appel a statué en méconnaissance des articles L. 1242-2, 3°, et D. 1242-1 du code du travail en considérant que Greenpeace France pouvait recourir aux CDD d’usage, alors que son activité principale, la protection de l’environnement et de la biodiversité, ne correspond pas aux secteurs d’activité visés par l’article D. 1242-1, et ce, même si l’association applique la convention collective de l’animation socioculturelle. 

Par cet arrêt, la Cour de cassation vient préciser que l’application d’une convention collective proche de l’un de ces secteurs d’activité ne vaut pas automatiquement appartenance audit secteur d’activité.

les salariés intérimaires doivent recevoir les paniers repas par égalité de traitement, s’ils remplissent les conditions (Cass. soc., 8 octobre 2025, n° 24-13.175). 

Contexte : un salarié intérimaire est délégué auprès d’un client, via plusieurs CTT, du 16 février 2021 au  10 novembre 2022. L’accord du client prévoit l’attribution d’une prime de panier après une ancienneté d’un an calculée à compter de la date d’entrée du salarié et à l’exclusion des périodes de suspension du contrat.  L’ETT, quant à elle, considère que l’ancienneté repart à 0 à chaque nouveau contrat.

Décision : Le conseil de prud’hommes et la Cour de cassation condamnent l’ETT au versement de la prime de panier, puisque le salarié intérimaire avait cumulé 445 jours de présence, au titre de tous les CTT et avait donc bien atteint une ancienneté d’un an. En effet, l’accord de l’EU ne prévoyait pas une présence continue d’un an.

le recours à l’intérim pour un motif inadapté entraîne la requalification du contrat en CDI (Cass. soc. 8 octobre 2025, n° 24-17425)

Contexte : une salariée a été mise à la disposition d’une EU en qualité de chargée de mission ressources humaines pour un motif tiré d'un accroissement temporaire d'activité (ATA). La salariée a saisi la juridiction prud'homale d’une demande de requalification de la relation de travail en CDI. Elle soutenait avoir occupé le poste de DRH adjoint en remplacement de sa titulaire absente.

Décision : la cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, précise qu’en cas de litige sur le motif du recours à l’intérim, c’est à l’EU d’en prouver la réalité. En l’espèce, si la salariée avait été engagée pour un motif d’ATA, il est apparu que sa mission consistait en réalité à garantir la continuité du service durant l’absence prolongée de la DRH adjointe. 

Dès lors, le recours à l’intérim avait pour objet de pourvoir durablement un poste relevant de l’activité normale et permanente de l’EU. Faute pour celle-ci de démontrer un véritable ATA, le CTT devait être requalifié en CDI au sein de l’EU.  

NDLR : privilégier, de surcroît, le motif de remplacement de salarié absent.