C’est une bonne nouvelle et pourtant… Si l’industrie regagne des emplois, elle subit d’autant plus la pénurie de main-d’œuvre. Pour attirer les millennials et revaloriser les métiers industriels, des mesures au niveau national et territorial s’enclenchent, pendant que d’autres s’intensifient. Éclairage de Guy Letertre, directeur territorial pôle emploi Loire-Atlantique.

Après avoir longtemps souffert d’une image négative, de nombreuses compétences font aujourd’hui défaut à l’industrie. Quelles sont celles principalement en tension au niveau national et en Loire-Atlantique ?

L’enquête annuelle de pôle emploi sur les besoins de main-d’œuvre, parue en avril, fait ressortir que la pénurie de candidats et l’inadéquation des profils sont les deux premiers motifs d’explication de la difficulté à recruter. Régleur, agent qualifié de traitement thermique et de surface, dessinateur en électricité et en électronique, charpentier métal, chaudronnier tôlier, serrurier, métallier, forgeron, tuyauteur et soudeur font partie des métiers les plus difficiles à recruter au plan national. En Loire-Atlantique, on retrouve les mêmes métiers et d’autres, comme agents de maîtrise en fabrication de matériel électrique et électronique, maintenicien en biens électrodomestiques et ouvriers qualifiés du travail du bois et de l’ameublement.

Comment se comporte l’emploi dans le secteur industriel ?

Plutôt bien. Au quatrième trimestre 2018, l’emploi salarié a progressé en France de 6 500 postes dans l’industrie, soit plus 0,2 %. Sur un an, 9 500 emplois ont été créés, totalisant une hausse de 0,3 %. Dans les Pays-de-la-Loire, la progression est plus forte : elle avoisine les 4 000 postes dans l’industrie, soit plus 1,6 % sur un an. Ces chiffres montrent que le secteur industriel crée de l’emploi, faiblement certes, mais il en crée et c’est une donnée importante.

Pour redynamiser l’industrie, le gouvernement a lancé en novembre 2018 le programme “Territoires d’industrie” à l’intention de 141 territoires. Qu’en pensez-vous ?

En Loire-Atlantique, nous comptons deux territoires d’industrie inscrits au programme national. Pôle emploi est, bien sûr, déjà fortement engagé sur le volet du recrutement. Depuis plusieurs années sur le bassin d’emploi de Saint-Nazaire, il existe le dispositif “Compétences 2020”, financé par l’État et la région, et piloté par pôle emploi avec le concours de l’Union des industries et métiers de la métallurgie. Son but : diagnostiquer la situation de l’emploi industriel, aéronautique et naval pour rapprocher l’offre d’emploi et de formation, mais également pour faire de la prospective.

S’il est un peu tôt pour mesurer les premiers effets du programme Territoires d’industrie, il me semble intéressant et nécessaire de poursuivre et d’approfondir les travaux qui construisent des passerelles entre la formation initiale et continue et l’entreprise, à informer sur les métiers et les formations à destination des élèves et de leurs familles pour accompagner au mieux les choix d’orientation. Labelliser des réseaux d’établissements d’enseignement en campus métiers et qualifications ou des entreprises impliquées dans les parcours personnalisés selon les publics me paraît être également une très bonne chose.

Pour donner une image plus juste et plus moderne de l’industrie auprès des millennials, quelles actions de communication mettez-vous en œuvre ?

C’est en invitant les demandeurs d’emploi à venir dans les entreprises que l’on brisera les représentations parfois erronées. C’est pourquoi pôle emploi multiplie les périodes de mise en situation en milieu professionnel et invite aussi les demandeurs d’emploi à visionner des vidéos métiers sur notre chaîne YouTube ou chez nos partenaires.

En plus des forums qui continuent d’exister, nous avons également développé l’opération nationale #versunmétier qui permet aux recruteurs de rencontrer dans nos agences des demandeurs d’emploi.

Quels sont, selon vous, les principaux enjeux en termes de formation pour attirer les jeunes ?

Il faut prendre en compte la dynamique propre du marché du travail qui est forte aujourd’hui. Les jeunes, sans idée précise de leur orientation et malgré tout confrontés au besoin de travailler, adoptent parfois une attitude que l’on pourrait qualifier d’opportuniste en prenant la première offre d’emploi qui passe sans intégrer la nécessité de se former. Notre responsabilité, en tant que pôle emploi, et celles des recruteurs sont donc de construire des parcours souples qui allient immersion professionnelle, formation pré-qualifiante, contrat pro, contrat de travail, intérim… L’idée est de capitaliser sur différentes expériences pour asseoir des compétences qui pourraient être transférables selon les besoins de l’économie. Cela suppose des politiques régionales qui permettent aux centres de formation de modulariser leurs programmes en autorisant une plus grande flexibilité entre la période de travail et de formation. Nous devons également communiquer sur le compte personnel de formation et continuer à encourager l’alternance.

Pôle emploi mise désormais sur une approche compétences plutôt que métiers. Pourquoi ?

Effectivement et c’est un changement assez radical par rapport à un passé proche où la logique métier dominait. Cette nouvelle approche combine trois ressources : les savoirs, les savoir-faire et les qualités professionnelles, autrement dit les soft skills. Il faut savoir que près de 40 % des demandeurs d’emploi retrouvent un poste qui ne correspond pas à leur métier antérieur. L’approche métier ne suffit donc plus. Les témoignages des recruteurs font apparaître la prise en compte de critères autres que l’expérience ou la formation, comme la motivation. Les très petites entreprises, quant à elles, ont besoin de simplicité et recherchent souvent des profils polyvalents. Donc le lien d’une personne qui aurait pu venir de l’agroalimentaire ou du textile avec un besoin de l’industrie mécanique, par exemple, se fera via des compétences identifiées. La compétence, elle, voyage plutôt bien.

Quels dispositifs sur-mesure mettez-vous en place pour capter les jeunes ?

Comme je vous le disais, la clé c’est l’adaptation et la personnalisation des parcours. Pôle emploi collabore avec les régions pour définir une offre de formation qualifiante qui correspond aux besoins des territoires. Nous avons également des dispositifs pour accompagner le recrutement, comme l’Action de formation préalable au recrutement (AFPR) ou la Préparatoire opérationnelle à l’emploi (POE). Ils apportent les premières briques de la qualification recherchée, via un plan de formation établi avec l’employeur. Nous sommes typiquement sur du sur-mesure.

En Pays-de-la-Loire, nous expérimentons, par ailleurs, un parcours destiné aux petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés, qui peut aller jusqu’à 800 heures de formation et qui garantit au stagiaire une rémunération équivalente à au moins 80 % du Smic net.

D’une manière générale, pôle emploi collabore avec les régions, mais aussi avec les branches professionnelles, les chambres consulaires et les organisations professionnelles.

 

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